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Un débat qui plafonne

La plupart des immenses questions auxquelles fait actuellement face notre société plafonnent dans l’inextricable débat d’arguments. C’est ce phénomène que nombre de mes articles tentent de mettre en lumière. Tant de gens intelligents, bien intentionnés, de bonne foi, ne parviennent pas à quitter ce plan de conscience binaire du débat, de la recherche d’arguments, de la recherche du « vrai », de « l’objectif », et éventuellement du consensus ou du compromis.

Même si, dans le chef de certains, cette démarche peut être noble en intention, elle n’en est pas moins naïve.

Tant que nous ne développons pas un regard plus inclusif, non binaire et surtout non jugeant, il n’y aura aucune issue à nos problèmes. Ni la science, ni la politique, ni la finance, ni quiconque ne nous apportera ce regard, pour la simple et bonne raison qu’il se trouve en chaque individu, bien que souvent à l’état latent.

Lorsque nous cherchons des informations extérieures pour « nous faire une opinion » que nous défendrons ensuite, et même avec les meilleures intentions du monde, nous usons de ce vieux réflexe protecteur qui consiste à ne pas prendre nos responsabilités nous-mêmes. Nous les déléguons toujours à ces éléments extérieurs sur lesquels nous avons bâti nos opinions. Je dénonce ce mirage et tente, tant bien que mal, de le rendre intelligible.

Au-delà des arguments

Je sais qu’une fois encore beaucoup ne me comprendront pas, mais cela n’a aucune importance. Cela ne m’empêchera pas de revenir une fois de plus avec l’envie de partager cette perception avec ceux qui s’y intéressent. Et quiconque souhaite réellement oeuvrer pour le bien collectif devrait s’y intéresser.

Avant de mener votre enquête extérieure, par laquelle vous passerez en revue moult arguments, cherchant avec l’honnêteté intellectuelle qui est la vôtre à éviter les biais de perception en vue de vous faire une idée « objective » de la situation, à partir de laquelle vous prendrez position… je vous pose cette question : avez-vous au préalable mené votre enquête intérieure ? Connaissez-vous le monde que vous souhaitez créer ? Avez-vous conscientisé vos souhaits pour notre humanité et l’ensemble de notre planète ?

Si oui, ne voyez-vous pas que cette vision, appelons-la « idéale », annule tout l’intérêt de votre enquête extérieure ? Accroché à cet idéal, vous n’avez pas à chercher des arguments pour en prouver le bien fondé, mais simplement à passer à l’action.

Le cancer dont nous souffrons à peu près tous, c’est celui-là : celui de renoncer, presque à chaque instant, à notre responsabilité, à notre souveraineté individuelle. C’est cette soumission de chacun d’entre nous qui laisse se propager le cancer de l’ego, dont les riches (personnes ou entreprises) sont la manifestation tangible au niveau collectif.

Vers une egoresponsabilité

Je viens aujourd’hui avec une proposition pratique claire : il nous faut développer une société dans laquelle il n’est plus possible de devenir « scandaleusement riche », que l’on soit une entreprise ou une personne physique. J’écrirai un autre article détaillant de manière ludique comment nous pourrions nous y prendre.

Mais cela requiert-il pour autant une révolution dont ces « riches » seraient les boucs-émissaires, les têtes à couper ? Non, cela nous maintiendrait dans le même paradigme de non responsabilité : désigner un coupable et l’abattre… ce cycle infernal dont notre humanité n’a qu’assez joué et rejoué le disque rayé.

Non, il nous faut simplement nous réunir entre êtres humains qui souhaitent jouer avec d’autres règles du jeu. Les riches sont riches – et possèdent donc le pouvoir que nous leur laissons – parce que nous jouons à leur jeu, simplement parce que nous achetons ce qu’ils nous vendent. Nous pourrions nous autoproclamer, individuellement – ceux qui le désirent du moins – citoyens solidaires renonçant de notre propre gré à une richesse personnelle excessive. Nous pourrions décider de ne plus consommer que des biens produits par des citoyens ou entreprises « egoresponsables », c’est-à-dire responsables de la non inflation de leur ego. Cette inflation qui se traduit si souvent par un besoin d’avoir toujours plus et nous mène à toutes les compromissions, manipulations et mensonges.

Non, il ne faut pas obliger les riches à donner leur argent. Non, il ne faut pas obliger les grands propriétaires à renoncer à « leurs » terres. Il n’y a à condamner personne, ni à prendre à personne, ni à tenter d’imposer quoi que ce soit. Ce n’est pas (encore) un crime d’être riche tout seul. C’est seulement une maladie de l’ego, qui nous guette tous. En tout pauvre vit un riche égoïste potentiel.

Il suffit donc de nous rassembler entre « egoresponsables » autoproclamés. Une egoresponsabilité ne peut d’ailleurs être que, par définition, autoproclamée. Nulle guerre n’est nécessaire. Nulle obligation non plus.

J’en reste ici pour ne pas noyer le poisson avec l’eau du bain et le sourire de la crémière.

Merci pour l’attention que vous vous êtes accordée !