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C’est juste un titre pour surfer sur la vague de la polémique que, d’ailleurs, je ne souhaite pas entretenir. J’aurais pu intituler cet article « Les cinq types de défense psychique » ou « Faut-il craindre la liberté d’expression plus que la censure ? » A vous de choisir !

J’écris cet article parce que je suis, une fois encore, touché par la censure qui se répand dans nos modes de communication. C’est aujourd’hui le cas du nouveau film Hold-Up et cela m’incite à proposer une hypothèse de compréhension de ce phénomène interpellant.

Le phénomène

Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour tenter de dénoncer, avec plus ou moins d’adresse, les mensonges et manipulations de tous ordres. Que ce soit à l’échelle régionale ou nationale, avec par exemple les affaires Nethys et Publifin que nous connaissons bien en Belgique, ou internationale, on dirait bien qu’un certain mouvement de conscience tend à rendre visible ce qui était jusqu’ici bien réel mais dissimulé, dans les milieux de l’argent et du pouvoir. Ne peut-on s’en réjouir ?

La stabilité psychique de chacun de nous se voit ébranlée à l’annonce de ces révélations, qu’elles soient avérées ou fantasmées.

Notre psychisme se protège

Notre identité personnelle s’étant fondée sur des croyances, mises en place dès notre traumatisme de la petite enfance pour nous permettre d’accéder progressivement à la longueur d’onde sur laquelle échangent « les adultes », nous avons basé notre construction psychique sur des éléments extérieurs à nous, issus de ce monde des adultes. Nous nous sommes connectés à une matrice de dépendance : notre personnalité ne tient la route que tant que le monde extérieur nous confirme que nous sommes dans la « vérité ».

Dès lors, lorsque des « vérités » nouvelles nous déstabilisent, nous craignons l’effondrement de notre construction psychique. Cela est NORMAL. Nous allons donc, inconsciemment, tenter de tout faire pour maintenir, autant que faire se peut, notre modèle du monde en place. Selon l’intensité de notre peur à voir s’effriter le château de cartes que nous prenons pour nous-mêmes, nous allons développer un comportement de survie défensif-agressif à l’encontre des éléments de décor, appelés « les autres », qui sont vecteurs de cette déstabilisation, parce que vecteurs d’une forme d’information incompatible avec notre construction identitaire.

Nos cinq couches de défense

Pour nous rassurer, nous avons recours à plusieurs stratégies, qui se déclinent par strates.

Lorsque l’information qui nous parvient nous déséquilibre, la première couche de défense consiste à simplement l’ignorer. Nous ne recevons même pas l’information. C’est inconscient et automatique.

Le problème devient plus épineux lorsque l’information nous revient sans cesse et que le processus de rejet automatique ne suffit plus. Notre quiétude se voit perturbée et nous passons au second stade : celui de la dérision. Nous nous rassurons alors en nous reliant à un groupe de personnes avec lesquelles nous pourrons rejeter au loin l’information dérangeante grâce au principe de la raillerie collective. Se moquer ensemble nous rassure pour un temps sur le fait que nous ne sommes pas fous, et que si nous le sommes, nous ne sommes pas seuls. La crainte de la solitude devient prégnante, s’ajoutant à celle de la folie.

Lorsque l’information se fait persistante et que la raillerie collective ne suffit plus, notre psychisme va chercher, dans son réservoir d’énergie vitale, l’émotion de la colère. Il nous invite ainsi à « passer à l’action ». Nous sommes assiégés, il faut donc prendre les armes, sans quoi nous risquons la mort de notre identité. C’est le troisième stade : nous entrons en guerre. Avec brutalité, ou par le côté pervers de notre intelligence, la malignité, nous allons tenter de faire taire les vecteurs de l’information dangereuse.

Selon notre degré de maturité ou le développement de notre mental, cette guerre se décline d’abord dans une joute argumentaire partisane, orientée par le biais de confirmation. Nous tentons, avec l’intelligence dont nous disposons, de mettre en échec l’information nouvelle par la mise en place d’un contre-argumentaire.

Lorsque cela ne suffit pas à faire cesser l’intrusion, nous glissons plus ou moins rapidement dans la violence verbale, avec des attaques désormais orientées vers le vecteur de l’information plutôt que sur l’information elle-même. C’est le quatrième palier de défense.

Le cinquième n’est autre que la déchéance vers la brutalité et la bestialité. Comme pour l’animal acculé, tous les coups sont permis, pourvu que « l’ennemi » cesse de nuire à notre équilibre. En dernier recours, nous serons capables de tuer, ou du moins de souhaiter la mort du vecteur d’information dérangeante. Selon notre construction psychique, si nous avons pris l’habitude de retourner la colère vers nous-mêmes, nous resterons dans un état de haine persistant et de réactions sournoises permettant de nuire à l’ennemi depuis la sécurité de l’anonymat.

Triste parcours, n’est-ce pas ?

Une solution ?

Il existe pourtant une solution d’une simplicité extrême, bien qu’elle ne soit pas pour autant facile à mettre en oeuvre. Souvenons-nous que nous sommes rentrés dans ce processus à cause d’une information mettant en danger notre équilibre psychique, trop identifiés que nous sommes aux croyances sur lesquelles nous avons bâti notre notion de réel et d’être au monde.

La solution consiste à faire le constat que nous ne sommes pas la somme de ces croyances et de ces défenses. Il s’agit seulement de notre personnalité, c’est-à-dire de cet agrégat de conditionnements traumatiques. C’est un vêtement que nous portons pour exister en ce monde, mais rien de plus. Pourquoi dès lors engager toute notre énergie dans la défense de ce vêtement de souffrances ?

Lâchons simplement les armes. Constatons que « tout est possible ». Entrainons-nous à pouvoir tout entendre et tout recevoir en terme d’informations.

Le discernement

Cela ne signifie pas renoncer à notre discernement. C’est tout le contraire. Le véritable discernement s’active lorsque nous avons pu épuiser tous les aspects de notre biais de confirmation. Le refus de voir, qui mène comme nous l’avons vu à la colère et à la guerre, est notre seul adversaire dans cette quête.

Pouvons-nous tout voir et tout entendre sans jugement avant nous faire une idée personnelle sur la question ? Pouvons-nous ensuite choisir et créer notre expérience, notre route, à partir de la seule réalité expérimentable : celle de notre être profond ? Pouvons-nous quitter le réflexe de nous attacher à des croyances extérieures, pour oser inventer nous-mêmes notre vision et notre destination, et ainsi expérimenter notre souveraineté individuelle ?

Plus concrètement

Si j’ai énuméré ces cinq stades de défense, c’est pour faciliter l’auto-observation de chacun face aux informations dont il prend connaissance, sans se laisser berner par ses propres pièges internes. Prendre connaissance ne signifie pas adhérer, et encore moins croire, mais seulement considérer un possible.

Si nous devons tout faire pour nous tenir collectivement et individuellement loin de la haine et de la violence, nous devons parallèlement tout faire pour maintenir la liberté totale d’expression. La censure est toujours l’aveu d’un raidissement face à un changement de conscience. Que craignons-nous avec les « fake news » ? Que tentons-nous à vouloir « débunker » tous azimuts ce que nous ne sommes pas en mesure d’entendre ?

Notre grand rendez-vous, en ces heures étranges, est celui de quitter une fois pour toutes cette volonté de trouver LA vérité dans les arguments extérieurs. Cette recherche vaine n’est que la tentative (éventuellement collective) de notre psychisme de maintenir un équilibre qui, de toute façon, s’effrite, parce que nous vivons un changement de paradigme.

Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il s’agit d’un paradigme touchant à notre conscience collective, qui se cherche avec toute la maladresse incontournable de l’enfant, et qu’il ne se trouvera donc aucun élément extérieur pour nous rassurer ou nous montrer la voie. La voie viendra de notre propre conscience, c’est-à-dire de nos choix individuels, créatifs, qui s’intégreront progressivement dans notre collectivité, dans un nouvel équilibre à coconstruire.

Plus nous tenterons de contenir ce raz-de-marrée de conscience, qui se traduit par un raz-de-marrée inéluctable d’informations et de contre-informations, plus nous nous exposerons à une traversée violente, chacun tentant vainement de maintenir son équilibre psychique en accusant les autres.

Plus nous accepterons de laisser la place à l’expression de chacun, ainsi qu’au dialogue bienveillant, plus nous désamorcerons les réflexes guerriers et plus nous passerons cette étape avec sérénité, et même joyeusement pour ceux qui cocréent le nouveau.

Voilà pourquoi je vous invite à regarder le film Hold-Up dès maintenant, sans chercher à croire tout ce qui y est présenté, ni même à déterminer ce qui est vrai ou ce qui est faux, mais plutôt en vous interrogeant sur la manière dont il résonne en vous et sur les prises de conscience auxquelles il vous invite. N’hésitez pas non plus à prendre connaissance de tous les articles qui le critiquent intelligemment, apportant leur contribution à votre discernement. Essayez aussi, par jeu, de tenter de percevoir quelle énergie sous-tend tout (contre-)argumentaire : son auteur est-il en mode constructif, apportant un surcroît de bon sens et de discernement, ou est-il aux prises avec l’un des cinq stades de défense psychique que j’ai évoqués ?

Nous cherchons tous la vérité

Nous vivons un processus de réveil collectif : celui d’un besoin criant de vérité dans tous les domaines. Nous cherchons tous la vérité, quelle que soit la position que nous défendons, avec plus ou moins de bienveillance ou d’agressivité. Nous nous réveillons ensemble, nous nous éduquons mutuellement, et c’est le grand cadeau de cette crise. Tout nous pousse à comprendre que cette prétendue vérité ne nous viendra pas tant de révélations extérieures que de la prise de conscience de notre responsabilité à coconstruire un monde libre du mensonge.

Continuons sur cette lancée !