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Pour le droit aux fake news… et à toutes les sources d’information.

Qu’elles soient « vraies » ou « fausses », même si je n’entrerai pas aujourd’hui dans cette question toute relative, les informations doivent rester totalement libres. C’est un incontournable de la démocratie. Un état qui ne reconnait pas ce droit inaliénable et, plus grave encore, qui finance d’une manière directe ou indirecte le rétrécissement ou le détournement du flux des informations, est un état malade.

J’ai bien peur que nous en soyons arrivés là aujourd’hui et je le dénonce.

La question de savoir ce qui est vrai et ce qui est faux est une question éminemment profonde. Elle dépasse de loin l’objectivité qu’une certaine science, encore intègre, belle et passionnante, tente de cultiver à sa manière. La notion du vrai nous propulse, aussi étrange que ça puisse paraitre à certains, sur le terrain du subjectif et du spirituel. Aussi, la tentative de « démonstration » de la vérité à coups d’arguments est une guerre infinie des uns contre les autres. Et qui dit guerre dit souffrance.

Pourquoi cette guerre n’a pas de fin ? Parce que, si vous ne l’avez pas encore remarqué, le besoin de croire a encore, chez la plupart d’entre nous, des racines bien plus profondes que l’envie de vivre sans juger. Nous défendons nos croyances – que nous appelons bien souvent « vérité » – contre tous ceux qui ne les partagent pas. Avez-vous remarqué ce phénomène ? Si non, c’est peut-être l’occasion d’ouvrir un peu plus les yeux.

Que ça plaise ou non, nous vivons dans un monde de croyances. C’est une évidence. Et chacun choisit les siennes, souvent inconsciemment, parfois – plus rarement – consciemment. C’est-à-dire aussi que chacun choisit son canal d’informations, selon son libre choix. Que quiconque tente de dévier ou d’écraser cette liberté de choix, et nous nous retrouvons dans la propagande d’une pensée unique. Les dangers de dérive, nous les connaissons tous. Nos cours d’histoire en regorgent.

Pourquoi certains d’entre nous devraient-ils s’ériger en maitres à penser pour les autres, afin de distiller l’information qu’ils jugent adéquate pour les petits enfants immatures que nous serions ? Qui se considère comme faisant partie d’une telle « élite », se plaçant ainsi au-dessus du « petit peuple » ?

Oui, les « fake news » font peur à ceux qui peuvent penser détenir une vérité plus objective que les autres, parce que plus « scientifique ». Ne vous rendez-vous pas compte, pourtant, que c’est un choix aussi biaisé que les autres que de décider de bâtir sa vie sur une “science” dont les résultats peuvent s’interpréter au gré du vent, selon ce qu’on veut leur faire dire ?

Les fake news font peur parce qu’elles peuvent emporter les masses dans de profonds délires qui peuvent aller jusqu’à causer la mort, n’est-ce pas ? Pensez-vous que les nouvelles, orientées angoisse et peur de l’autre, ne conduisent pas, elles aussi à la mort, en fin de compte ?

Ne voyez-vous pas que découvrir la vérité, ou à tout le moins cultiver le discernement, est une histoire d’expérience personnelle ? C’est un chemin qui mène à une maturité que chacun doit pouvoir conquérir par ses propres essais et erreurs. Les circonstances actuelles ont ceci d’extraordinaire qu’elles nous poussent à accélérer l’éclosion de cette maturité dans nos sociétés.

Le discernement ne sera jamais de pouvoir distinguer le vrai du faux, mais bien celui de choisir de nous positionner par rapport à ce qui sonne juste dans notre propre coeur. Eh oui, il faut encore le déblayer, cet accès au coeur. Ce n’est pas si compliqué, il est juste au-dessus de la guerre ordinaire des arguments, que nous menons sans cesse pour défendre notre perception du monde face aux « mécréants » imbéciles que sont « les autres ».

Le droit aux soi-disant fake news et à toutes les sources d’informations, quelle qu’elles soient, doit rester fondamental et incontournable. Nous pouvons, collectivement, découvrir cette maturité du discernement assez rapidement, j’en suis convaincu. Mais pour cela, nous devons laisser à chacun la responsabilité de s’abreuver à la source de son choix, même si ça fait peur aux « bien pensants ». C’est à ce prix que nous conquerrons un état de conscience collectif plus responsable. Nous ne pouvons indéfiniment déléguer la responsabilité de la pensée à certains seulement.

Nous assistons actuellement à la mise en lumière du positionnement intérieur de chacun, grâce à cette crise qui dépasse de loin le côté « sanitaire ». Et cela est très positif. Croyez-vous que les soi-disant fake news attirent un nombre croissant d’adeptes, sortis du néant ? Intéressez-vous un peu au fonctionnement de la psychologie humaine et vous découvrirez rapidement que la position de chacun s’est forgée dès l’enfance et même avant. Il n’y a que peu d’influence extérieure, mais seulement une mise en lumière sur qui résonnait déjà comme ceci et qui résonnait déjà comme cela. Ce n’est qu’une prise de conscience collective, pas un « nouveau » danger à combattre.

Cela ne doit pas nous inquiéter, bien au contraire. Si nous accordons à chacun la liberté de ne pas devoir cacher son monde intérieur face à la pensée dominante, nous serons simplement mis face à une réalité, jusqu’alors occultée. Elle sera certes dérangeante, parce qu’elle révélera une société bien plus colorée et contrastée que celle que nous connaissons. Mais nous pourrons dès lors entamer le chantier passionnant que sera la création d’une société bien plus « vraie », justement, où chaque sensibilité pourra apporter sa pierre sans être suspectée, moquée ou écrasée.

Le filtrage des nouvelles par quelque autorité que ce soit, qu’elles soient fake ou pas – ce qui n’est de toute façon plus prouvable dans la conjoncture actuelle, et ne l’a d’ailleurs jamais été si nous regardons les choses sincèrement – est une atteinte grave à notre évolution de conscience collective. Et nous ne devons en aucun cas l’accepter.

 

Addendum du 2020-08-13 : Je ne fais pas ici l’apologie de ce qui serait “objectivement” une fake news, autrement dit un mensonge. Je cherche – et chercherai toujours – à questionner : qui peut se positionner, plus qu’un autre, en garant de cette “objectivité” ?