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Souvent, nous pensons avoir un débat d’idées, alors que nous sommes seulement dans le partage d’émotions. Le problème, dans nos sociétés encore très primitives quant à la conscientisation émotionnelle, c’est que la réalité des échanges se produit, à peu près tout le temps, dans une sorte d’illusion consensuelle, qui nous pousse à confondre ces deux plans.

Pour se trouver dans un échange véritable, il faut avoir l’audace et l’authenticité de chercher à comprendre ce qui nous motive à nous exprimer. Tant qu’on parle d’idées sans avoir reconnu les émotions qui les font naitre, nous nous contentons de nager à la superficie de ce qui fait de nous des humains. Et le « débat », sans fin, n’est alors que celui de petits garçons et de petites filles qui déploient tous leurs moyens dans l’espoir, toujours déçu, que soient enfin reconnues par « les autres » leurs blessures les plus profondes.

Notre capacité à reconnaitre ces blessures chez les autres et à vouloir en prendre soin est directement proportionnelle à notre faculté de reconnaitre et de consoler les nôtres. La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons tous apprendre à le faire, même si ce n’est pas naturel à la base.

Partant de ce constat, tout débat devrait débuter par un partage des émotions en présence.

Exemple : « J’ai peur de ceci, ce qui m’occasionne colère ou tristesse. C’est depuis cette émotion reconnue que je souhaite qu’on imagine ensemble une solution, un soin à lui apporter. »

Sur ce schéma, on ne peut que convenir de la futilité de la joute d’arguments. Quand il perçoit la vulnérabilité de l’autre, quel humain peut-il encore vouloir s’opposer ou agresser ? Quel parent se fâcherait-il sur son enfant qui lui confie sa tristesse, sa peur ou sa colère ?

Si je me retrouve empêtré dans un débat, la plus belle question que je puisse me poser reste : « Quelle blessure personnelle n’ai-je pas encore reconnue ici ? » Cette simple question, si on suit son fil avec sincérité, nous conduit aux plus belles prises de conscience et à quitter immédiatement la guerre des arguments. Il en découle seulement un positionnement individuel qui n’accuse personne et accueille les autres points de vues.

Facile à dire, moins à réaliser, tant ce n’est pas encore naturel pour nous. J’ai beau en parler et écrire un article là-dessus, combien de fois ne me retrouvé-je pas dans la posture du contradicteur ? Probablement à chaque fois, en fait, si ne n’y prends garde. C’est quand je le remarque que la chance m’est donnée de pouvoir revenir à l’essentiel.