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C’est avec bonheur que je vois un nombre croissant d’entre nous s’engager pour qu’advienne un monde meilleur, plus juste, plus sain, plus solidaire, plus vrai, plus joyeux. Les grandes directions espérées, vers lesquels nous sommes nombreux à vouloir tendre sans tarder, dépassent l’effet de mode. Consommation bio et locale, zéro déchets, zéro émission, équité des genres, vie plus simple, soin de la Terre et du climat, sont désormais les slogans d’une véritable prise de conscience, ainsi que d’une volonté massive qui se répand aujourd’hui, plus certainement qu’un virus.

Chaque citoyen, à la mesure de ses choix quotidiens, peut devenir un activiste, et je trouve ça extrêmement enthousiasmant. Vous aussi êtes un activiste ? Les valeurs précitées résonnent en vous, et vous passez à l’action régulièrement en modifiant vos comportements ? Bravo !

Allons maintenant un cran plus loin. Mettons le projecteur sur un aspect qu’il est à mon sens urgent d’observer ensemble. N’avez-vous jamais découvert en vous la pensée suivante : « Si tout le monde faisait comme moi, tous les problèmes seraient résolus !» Et vous y croyez dur comme fer. Vous en êtes persuadé, n’est-ce pas ? Alors, peut-être à l’insu de votre plein gré, se met en route le moteur à jugements que nous actionnons tous, par réflexe, depuis bien trop longtemps. L’avez-vous déjà regardé tourner ? Insidieusement, vous qui vous dites ouverts, tolérants, solidaires, devenez les hôtes, éventuellement inconscients, de l’accusation : « Il achète encore des tomates espagnoles ! Elle prend sa voiture pour conduire ses enfants à l’école alors qu’elle habite à 500 mètres ! Il va encore au McDo ! Elle a pris l’avion pour partir en vacances ! Bande de cons ! Tout ça devrait être puni, interdit ! ». Si vous êtes attentifs, et surtout sincères, vous noterez que la liste s’allonge au cours de chaque nouvelle journée, si bien que chacun pourrait en remplir des carnets entiers. Avons-nous cette lucidité sur nous-mêmes ?

Alors, mettons vraiment les pieds dans le plat et appelons un chat un chat : à chacun de ces jugements proférés intérieurement, nous sommes des fascistes. Inutile de montrer le lien immédiat entre ces petits fascismes individuels quotidiens et les gouvernements que nous laissons foisonner sur cette planète depuis des millénaires.

Demandons-nous dès aujourd’hui une maturité supplémentaire, qui va au-delà de la tolérance. Nous n’avons pas à « tolérer » ceux qui n’ont pas la même vision du monde que nous, mais à les aimer comme des frères et soeurs porteurs d’une vérité complémentaire. Et c’est du simple bon sens, sans quoi nous ne sommes pas cohérents avec notre idéal de fraternité.

Un écologiste intégriste, c’est-à-dire qui souhaite imposer sa version du monde à tous, aussi « belle » soit-elle, ne vaut pas mieux qu’un néonazi. Désolé si ça choque. Cependant, je ne m’extrais pas du lot de ceux qui accusent encore régulièrement « les autres ». Tous les jours, j’observe ces manigances en moi-même et je ne peux dès lors pas en vouloir à ceux qui ne parviennent pas encore à les surmonter à chaque instant. Je suis comme eux. Ce n’est pas simple du tout, admettons-le simplement ! Cela devrait s’apprendre dès le plus jeune âge et être enseigné à l’école. Moi aussi, je me surprends porteur de haine ou de colère face à « ces cons qui font ceci ou cela, qui pensent ceci ou cela ». Je suis donc en apprentissage, comme tout le monde.

Et si nous apprenions enfin cette tendresse qui nous fait si souvent défaut, que ce soit pour nous-mêmes ou pour les autres, ce qui revient exactement au même ? Sortons de l’intégrisme et donnons à chacun le droit d’effectuer sa propre transition « écologique », qui est en réalité une transition de sa propre conscience, à son rythme. En chacun de nous subsisteront encore régulièrement des incohérences, dans le discours ou les actes, et c’est normal. C’est l’ensemble de la conception du monde que nous avons acceptée par conditionnement et inconscience qu’il nous est demandé aujourd’hui de déblayer. Tous nos actes demandent à devenir conscients, c’est-à-dire véritablement choisis, et c’est un incroyable chantier. Pouvons-nous dès lors nous « pardonner » les uns et les autres pour le temps que ça prend ? Devons-nous continuer inexorablement à pointer nos incohérences respectives et nous rabaisser avec cynisme, ou nous regarder chacun avec la tendresse du frère ou de la soeur, qui sait que « l’autre » tente de faire de son mieux ?

Allons encore un cran plus loin et observons, grâce à notre simple bon sens, la direction à suivre pour sortir de l’ornière du jugement et de l’accusation. Nous connaissons tous la troisième loi de Newton : si un objet A exerce une force sur un objet B, alors l’objet B exerce une force de même valeur et de sens opposé sur l’objet A. Dans la recherche de clarté qui nous occupe, il est aisé de constater que lorsque nous contraignons qui que ce soit, nous en faisons un « opposant » qui « prend sur lui » mais, tôt ou tard, nous renverra notre propre force en sens inverse. Ainsi semble aller la vie sur notre planète depuis des éons. Aussi, croire qu’imposer peut régler des problèmes à long terme est faire preuve d’une simple immaturité de vision.

Le seul choix durable que nous pouvons faire, c’est la PROPOSITION, qui passe par mille chemins, dont l’information, l’éducation, l’exemple. Notre activisme ne devrait jamais désigner d’ennemi à abattre, mais seulement montrer à tous, par tout moyen, qu’un autre monde est possible et peut-être enviable. Cela peut sembler prendre plus de temps que d’imposer des solutions par la force, mais c’est un leurre. Il n’y a que la conscience individuelle qui peut s’éveiller à sa propre responsabilité de dire et de faire « oui » ou « non ».

Si nous acceptons de regarder les choses en face, sans compromis et jusqu’au bout, il nous saute aux yeux qu’imposer, dans l’idée d’urgence, n’occasionne que perte de temps et d’énergie. Alors, orientons plutôt ceux-ci vers l’exemple que nous pouvons donner, en vivant le changement que nous voulons voir dans le monde et en le communiquant.

Je suis un activiste, pas un intégriste. Enfin, je tente…

Et vous ?